Venise pour le bal s’habille !

 




Venise pour le bal s’habille.
De paillettes tout étoilé
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.

Arlequin, nègre par son masque
Serpent par ses mille couleurs
Rosse d’une note fantasque
Cassandre son souffre douleur.








Battant de l’aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil
Le blanc Pierrot, par une blanche
Passe la tête et cligne de l’œil.

Le docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés
Polichinelle qui se fâche
Se trouve une croche pour nez.












 
Heurtant Trivelin, qui se mouche
Avec un trille extravagant
A Colombine, Scaramouche
Rend son éventail ou son gant.


Sur une cadence de glisse
Un domino ne laissant voir
Qu’un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.






Ah ! Fine barbe de dentelle
Que fait voler un souffle pur
Cet arpège m’a dit : c’est elle !
Malgré tes réseaux, j’en suis sûr


Et j’ai reconnu, rose et fraîche
Sous l’affreux profil de carton
Sa lèvre au fin duvet de pêche
Et la mouche de son menton.

Théophile Gautier " carnaval "